Une oasis en plein Paris

C'est fou l'effet que l'eau peut avoir sur les gens. Comme, en plus de nous faire vivre, l'eau peut nous amuser ou nous détendre. Comme, dans une piscine ou un parc aquatique, tout le monde semble retrouver le même âge et redevenir l'espace d'un instant, un gamin qui tente de tenir en équilibre sur son matelas, ou essaie de remonter le courant créé par des vagues artificielles. Sans compter celui qui boit la tasse pour ensuite s'amuser à la recracher à la figure de son conjoint. Décidément, il nous en faut bien peu, voilà pourquoi les pistolets à eau continueront toujours de se vendre!

En plein coeur de Paris, le temple de l'amusement aquatique se nomme Aquaboulevard, qui est paraît-il, le centre aquatique fermé le plus grand d'Europe. Même si ça me paraît un peu louche, après tout, qui va aller vérifier? Et Aquaboulevard, ben c'est l'exemple même du loisir à la française, avec tous les défauts que cela peut comporter malgré son potentiel. Je suis un peu chagriné de dire ça, surtout qu'on peut vraiment s'y amuser: les toboggans sont plutôt pas mal, nombreux et variés dans leur conception, la piscine à vagues est grande et réussie, les jacuzzis sont larges et agréables, le thème tropical est bien exploité dans certaines zones, bref, on peut s'y amuser quelques heures, surtout l'été quand tout une zone est ouverte à l'extérieur (bon, même si ce n'était pas le cas hier, mais au moins, le complexe était quasi vide). De plus, l'idée du centre de loisirs tout-en-un, avec restaurants, centre de fitness, cinémas et magasins, est plutôt attrayant. Voilà pour les points positifs.

Pour le reste, je pense qu'on prend quand même le consommateur du XXI ème siècle, habitué à voyager et tester la qualité de service étrangère, pour des idiots. Tout d'abord le prix: 20 €. Oui, il a augmenté de 30% en un an, mais à ce prix, on obtient une carte, qui nous permet d'y revenir quand on veut dans l'année pour 5€ chaque visite. Bon point pour fidéliser, mais je suis désolé, je ne trouve pas que l'Aquaboulevard vaut mes 20€. Quand on voit que c'est presque le même prix que Coasta Caribe en Espagne, ou quelques euros de moins que Blizzard Beach ou Typhoon Lagoon à Walt Disney World, il y a de quoi l'avoir en travers de la gorge. Mais la plus grosse arnaque reste le parking. Tout le quartier étant quasiment payant au stationnement, le plus simple est donc de se garer au parking du centre. A 2,5 € de l'heure, c'est plutôt normal pour Paris. Mais le hic, c'est que passé 5h, on passe à 25€, et 6h c'est 35€! Bref, je connais peu de gens qui iraient payer 20€ pour rester une heure à la piscine avant de reprendre leur voiture. Entre les cinémas et les restaurants, c'est l'affaire d'une après-midi, et la note devient très... salée. Bref, le métro est à privilégier à 2000% ! Mais ça reste une belle arnaque, le parking devrait être au forfait, comme dans les parcs d'attraction.

Continuons donc la visite, puisque après tout on est là pour s'amuser. L'accès au centre est plutôt banal pour ne pas dire moche. Les petits casiers coûtent 1 € (hum) et sont très difficiles à utiliser la première fois. Une fois dans le centre, quelle ne fut notre surprise de ne trouver presque aucun employé! Les toboggans sont libres d'accès, avec un simple feu vert/rouge qui nous indique quand nous lancer (le best of, c'est le toboggan en rafting, où on doit appuyer sur un bouton pour propulser notre bouée!). Personne à l'arrivée non plus. Le résultat? Des consignes de sécurité absolument non respectées par beaucoup de jeunes, et nous nous sommes nous-même retournés avec notre embarcation avec Ptitmath sur un toboggan particulièrement tortueux. Ajoutez des sols glissants et des matériaux très rapeux, des formes très carrées en angles droits, et franchement, je n'ose pas imaginer le nombre de petits bobos à l'année sur ce parc. Je veux bien qu'on économise sur le personnel, mais bon...

Par rapport à ma dernière visite, il avait de nouveaux toboggans, accessibles en extérieur. Le bon point, c'est qu'on peut y accéder car l'escalier a été couvert. Le(s) mauvais point(s), c'est qu'il n'y a aucune indication, qu'il n'y a pas de chauffage donc on gèle car les murs en tôle transparente sont pas très isolants, et que ça sent mauvais. L'un des toboggans (plutôt pas mal d'ailleurs) finit sa course carrément en extérieur, au milieu d'un jardin public entouré d'immeubles bêtonnés et longeant une rue piétonne. Bref, on arrive en bas, on se les gèle complêtement, tous les gens dans la rue nous voient sans problème, et il n'y a pas d'indication pour se rediriger vers le bâtiment. Autrement dit, nous avons du nous frayer un chemin pour retourner à l'intérieur, sans utiliser un quelconque parcours existant (mais j'imagine qu'il y en a un?) Bref c'est assez surréaliste... sans compter les quelques toboggans limites dangereux (heureusement fermés, je me demande pourquoi), ceux qui râpent le dos, ceux où la zone d'arrivée n'est pas assez longue et où un matelas a dû être ajouté pour ne pas se prendre le mur de pierre etc... ou bien encore le jacuzzi en panne, qui a été transformé officiellement en "bain chaud" pour ne pas à être réparé... et oui, on trouve encore de ça, et en plein Paris en plus...

Qu'on critique les sociétés américaines, trop fliquées, peut-être. Mais quand je vois ce qu'on apporte nous, aux visiteurs parisiens (ou étrangers qui oseraient poser un pied dans l'Aquaboulevard), je me dis qu'on a encore beaucoup à apprendre et du chemin à faire. Surtout qu'il y a un produit, qui est plutôt pas mal, qui a du potentiel. La majorité est faite, il suffit de joindre les deux bouts et s'attaquer grandement à la finition, à la qualité du service et à l'expérience dans son ensemble. Un exemple flagrant: l'impossibilité de ressortir de la piscine et d'y revenir dans la journée, alors qu'elle ferme à minuit. Ne serait-ce pas plus rentable pour toutes les activités du centre (restaurants, boutiques, cinémas) de proposer une plus grande flexibilité, pour inciter les gens à consommer, et à passer plus de temps sur place?

Au moins je me console en me disant que la prochaine fois, ça ne me coûtera plus que 5 €. Mais j'aurais préféré sortir de là en me disant: "Wow, c'était géant! Quand est-ce qu'on y retourne?"